03
2010
S’il est vrai que l’Internet est « monde », il est aussi vrai qu’il rassemble en un « commun » les vouloirs qui le suscitent et l’entretiennent, les paroles qui le rythment et les écritures qui le cristallisent. Comment cependant entendre cette idée du « commun » ?
On est tenté, au motif des échanges, des pratiques communicationnelles, des entreprises intellectuelles que mobilisent les réseaux, d’entendre le « commun » comme le lieu de coalescence des discours réticulaires et l’idéal d’une inter-compréhension universelle. Idéal dialogique d’une rencontre du sens et d’un établissement durable de ses agents dans des pratiques de connaissance partagée et de savoirs distribués.
Il n’est pas très fécond d’y opposer le réalisme cynique d’une captation économique et commerciale des réseaux. Mais plutôt, à examiner attentivement certains usages traversés d’une sorte d’humanisme altruiste — par exemple, notamment, les espaces collaboratifs — on remarque que pouvoirs et intérêts n’en sont pas plus exclus que tensions et conflits.
C’est qu’eu égard aux réseaux, le « commun » n’est pas tant à préserver qu’à construire. Normes et architectures, repositionnement des individualités et redéfinition de leurs pratiques, les enjeux du « monde commun » que sédimente l’Internet participent de registres multiples et de problématiques irréductibles.
Geert Lovink, Zero Comments, New York/Londres, Routledge, 2007, Chapitre 9, « Axiomes de la libre collaboration », p. 207-223 (en anglais).
Voir également : http://www.ecrans.fr/L-anonymat-n-est-plus-qu-une,2985.html (en français).